De nombreuses études ont associé la somnolence et les troubles du sommeil à la maladie d’Alzheimer, les suggérant même comme de possibles marqueurs prédictifs de la maladie. Cette équipe de neurologues de l’Université de Californie – San Francisco fait le point sur ce symptôme fréquent de la maladie : c’est la perte de neurones, et non le manque de sommeil qui rend les patients Alzheimer somnolents.
La léthargie que connaissent de nombreux patients atteints de la maladie d'Alzheimer n'est pas causée par un manque de sommeil, mais plutôt par la dégénérescence d'un type de neurones bien particulier, qui nous maintient éveillés. Et la protéine tau semble à l'origine de cette neurodégénérescence.
Ces conclusions ont d’importantes implications : réveiller ces neurones spécialisés pourrait permettre de réduire ce symptôme de somnolence et d’améliorer la qualité de vie des patients.
L’étude contredit ainsi l’idée généralement reçue selon laquelle les patients atteints de la maladie d’Alzheimer dorment pendant la journée pour compenser une mauvaise nuit de sommeil. Les chercheurs analysent ici les données de patients du Memory and Aging Center de l'UC San Francisco, dont le sommeil a été analysé par électroencéphalogramme (EEG) et qui ont fait don de leur cerveau après leur décès. Les scientifiques ont pu ainsi rapprocher des données sur le sommeil d’analyses au microscopiques du tissu cérébral post-mortem.
« Chez les patients Alzheimer qui somnolent, la maladie a endommagé les neurones qui les maintiennent éveillés ».
En d’autres termes, expliquent les chercheurs : « le système dans le cerveau qui maintient éveillé a disparu chez ces patients ».
Un processus qui n’est pas retrouvé à l’identique, dans d’autres maladies neurodégénératives : ainsi, dans la paralysie supranucléaire progressive (PSP), les patients ont des dommages aux neurones qui les empêchent de dormir et manquent de sommeil. Les patients Alzheimer ont quant à eux des difficultés à rester éveillés car le groupe de neurones qui nous maintient éveillés est affecté dès les premiers stades de la maladie d'Alzheimer.
Un interrupteur constitué de neurones favorisant l'éveil et de neurones favorisant le sommeil, chacun de ces groupes étant lié à d’autres neurones impliqués les rythmes circadiens, c’est ainsi que décrivent ces neurologues, le mécanisme identifié dans le tissu post-mortem de 33 patients atteints de la maladie d'Alzheimer, 20 atteints de PSP et 32 volontaires au cerveau sain jusqu'à la fin de leur vie. L'équipe a mesuré les quantités des 2 protéines associées au processus neurodégénératif, la bêta-amyloïde et tau. En comparant les niveaux des protéines des groupes Alzheimer et PSP, aux symptômes contraires, les scientifiques associent la perte d’éveil à l’accumulation de tau.
Tau bloque cet interrupteur : ces neurones, décrits ici comme « extrêmement intelligents», car capables de produire un éventail de neurotransmetteurs, d’exciter, d’inhiber et de moduler d'autres cellules nerveuses, sont en effet perturbés par les protéines Tau. Lorsque ces neurones en tout petit nombre mais aux capacités de calcul incroyables sont affectés par la maladie, cela induit un effet « énorme » sur le sommeil.
Ces découvertes apportent un espoir aux patients Alzheimer, mais aussi aux patients atteints de PSP, l'espoir d’un traitement qui cible spécifiquement le système « éveillé » hyperactif ou inactif et finalement, puisse réduire les troubles du sommeil observés dans ces maladies neurodégénératives.
Source: JAMA Neurology 4 April, 2022 DOI : 10.1001/jamaneurol.2022.0429 Subcortical Neuronal Correlates of Sleep in Neurodegenerative Diseases
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