Si le cannabis est de plus en plus consommé pour ses effets somnifères, les preuves à ce jour de son impact sur le cycle veille-sommeil ne sont pas claires. Cette recherche de la Thomas Jefferson University (Philadelphie), publiée dans la revue Regional Anesthesia and Pain Medicine, nous apprend qu’une consommation « récente » de cannabis est liée à des durées extrêmes de sommeil nocturne, une tendance encore plus prononcée chez les gros utilisateurs -qui consomment du cannabis environ 20 jours dans le mois.
Avec sa légalisation croissante, sa consommation continue d'augmenter, avec, aux seuls Etats-Unis, environ 45 millions d'adultes consommateurs, soit le double de la prévalence signalée au début des années 2000. Alors que de nombreuses personnes en consomment pour réduire l’anxiété et retrouver une meilleure qualité de sommeil, cette étude précise les effets du cannabis sur le sommeil, soit des durées de sommeil nocturne de moins de 6 heures ou de plus de 9 heures
Cannabis et sommeil, une relation complexe
L'étude d'observation : les chercheurs ont regardé si la consommation de cannabis était liée à la durée du sommeil nocturne sur un large échantillon représentatif de 21.729 adultes américains âgés de 20 à 59 ans ayant participé à la cohorte NHANES (National Health and Nutrition Examination Survey) de 2005 à 2018. L’étude a porté sur les difficultés à s'endormir, à rester endormi ou à trop dormir au cours des 2 semaines précédentes, sur la consultation d’un médecin au sujet d'un problème de sommeil et sur la somnolence diurne pendant au moins 5 des 30 jours précédents. Les participants étaient considérés comme « récents » ou « non-utilisateurs » en fonction de leur consommation au cours des 30 derniers jours. La durée du sommeil a été définie comme courte (moins de 6 heures), optimale (6 à 9 heures) et longue (plus de 9 heures).
Enfin, les chercheurs ont pris en compte un grand nombre de facteurs de confusion possibles dont l’âge, l’origine ethnique, le niveau d’études, le nombre d’heures de travail hebdomadaires, l’hypertension artérielle, le diabète, la maladie coronarienne, le poids (IMC), le statut tabagique, la consommation excessive d'alcool (4 verres ou plus par jour) et la prise de certains médicaments (opioïdes, benzodiazépines, somnifères, barbituriques, et autres sédatifs ou stimulants).
L’analyse révèle que :
- la durée moyenne du sommeil nocturne est d’un peu moins de 7 heures sur l'ensemble de l'échantillon ;
- 12 % des participants déclarent dormir la nuit moins de 6 heures,
- 4 % plus de 9 heures ;
- 3132 soit 14,5 % des participants déclarent avoir consommé du cannabis au cours des 30 jours précédents ;
- ces utilisateurs récents s’avèrent plus susceptibles de déclarer ne pas dormir suffisamment ou de trop dormir : les utilisateurs récents sont 34 % plus susceptibles de rapporter un sommeil court et 56 % plus susceptibles de rapporter un sommeil plus long que ceux qui n'ont pas consommé de cannabis au cours des 30 jours précédents, après prise en compte des facteurs de confusion possibles ;
- les utilisateurs récents sont également 31 % plus susceptibles de signaler des difficultés à s'endormir, à rester endormis ou à dormir trop au cours des 2 semaines précédentes, et 29 % plus susceptibles d'avoir consulté pour un problème de sommeil ;
- enfin la consommation récente de cannabis n’est pas associée à une somnolence diurne plus fréquente ;
- les utilisateurs modérés, définis comme ayant consommé moins de 20 jours sur les 30 derniers jours, sont 47 % plus susceptibles de dormir 9 heures ou plus par nuit par rapport aux non-utilisateurs ;
- les gros utilisateurs, définis comme ayant consommé 20 jours ou plus au cours des 30 jours précédents, sont 64 % plus susceptibles d'avoir un sommeil court et 76 % plus susceptibles d'avoir un sommeil plus long par rapport aux non-utilisateurs.
Certes l’étude est observationnelle et ne démontre pas la relation de cause à effet cependant elle est menée sur un très large ensemble de données et elle contribue à préciser les effets de la consommation de cannabis sur le sommeil, avec plus de bénéfices semble-t-il sur la durée de sommeil, avec une consommation « modérée ».
Globalement cependant, l'étude révèle des effets très variables non seulement en fonction du niveau de consommation, mais très probablement aussi en fonction de la composition en cannabinoïdes du cannabis consommé.
Source: Regional Anesthesia and Pain Medicine 6-Dec-2021 DOI : 10.1136/rapm-2021-103294 Recent cannabis use and nightly sleep duration in adults: a population analysis of the NHANES from 2005 to 2018
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