Le fait est que l'insomnie augmente considérablement le risque de dépression et vice versa, et la combinaison insomnie et dépression augmente considérablement le risque de suicide. Par ailleurs, de nombreuses études mettent à raison en garde contre l’abus de somnifères. Cette étude de l’Université d’Augusta (Géorgie) apporte une précision notable cependant : les personnes souffrant d'insomnie sévère peuvent tirer parti d'un sédatif pour les aider à contrôler leurs troubles du sommeil tout en réduisant leurs pensées suicidaires. L’étude, présentée dans l’American Journal of Psychiatry, conclut en substance que les somnifères peuvent bien, dans certaines situations, réduire les pensées suicidaires chez les patients souffrant d'insomnie sévère.
L’auteur principal, le Dr Vaughn McCall (visuel), directeur du Service de psychiatrie et de médecine comportementale au Medical College of Georgia de l'Université d'Augusta rappelle que l’insomnie est un facteur majeur de suicide : « Si vous avez un patient qui se plaint de troubles croissants du sommeil, vous pouvez vous interroger sur son risque de pensées suicidaires (…) Si votre patient dit que son problème de sommeil est très sérieux et qu'il a des pensées suicidaires, son insomnie doit être traitée de manière ciblée ».
En cas d’insomnie sévère, la prise d’un somnifère ?
Reconnaître le lien entre insomnie et risque de suicide en pratique clinique : plus de 30 études ont établi ce lien entre l'insomnie et des pensées suicidaires ou des tentatives de suicide (TS). Toutefois, la prévention du risque de suicide ignore dans la plupart des cas, la préexistence de troubles du sommeil. Ceux-ci sont largement négligés en pratique clinique, lors du traitement de de la dépression et du suicide. Cette nouvelle étude, REST-IT (pour Reducing Suicidal Ideation Through Insomnia Treatment) le premier essai clinique visant à déterminer si un traitement ciblé de l'insomnie réduit le risque de suicide, va sans doute contribuer à changer la donne.
Il ne s’agit pas de plaider en faveur d’une prescription systématique d'hypnotiques, y compris pour atténuer les idées suicidaires chez tous les patients déprimés souffrant d'insomnie. Cependant la question de la prescription d'un hypnotique lors de l'initiation d'un antidépresseur pourrait être bénéfique chez les patients suicidaires, en particulier chez les patients souffrant d'insomnie sévère.
L’étude est menée auprès de 103 participants âgés de 18 à 65 ans présentant un trouble dépressif majeur, une insomnie chronique et des pensées suicidaires. 30% des participants avaient déjà commis une TS mais les participants étant toujours dans une « démarche active et imminente de suicide ont été exclus de l’étude. Tous les participants ont pris un antidépresseur pendant les 8 semaines de suivi et la moitié des participants (groupe d’intervention) a pris du zolpidem (sédatif-hypnotique) au coucher. Les participants ont auto-évalué régulièrement la sévérité de leur insomnie et tenu un journal quotidien du sommeil pendant leur traitement, comprenant des détails tels que le nombre de réveils nocturnes, la durée effective de sommeil…Les chercheurs ont également évalué l’auto-évaluations des participants de leur sommeil, parfois déformée par rapport à la réalité-, les rêves, cauchemars, qui constituent parfois des signes prédictifs de pensées suicidaires. Enfin, les participants ont porté au poignet un dispositif de suivi de leur activité. La sévérité de la dépression a été évaluée lors de chaque visite d'étude par un psychiatre et à l’aide du Beck Hopelessness Scale. L’analyse de toutes ces données montre que :
- La prise d’un somnifère, sans surprise, apporte une réduction significative à la fois immédiate et à long terme de la sévérité de l'insomnie ;
- les 2 groupes présentent une réduction significative des niveaux d’anxiété et de désespoir, une amélioration de la qualité de vie, une réduction des cauchemars et des croyances erronées sur le sommeil, de l'insomnie et du risque de suicide, ces effets pouvant être mis sur le compte du traitement antidépresseur, au moins pour partie ;
- la prise d’un somnifère permet une plus grande réduction des pensées suicidaires : cette aide au sommeil semble plus efficace à réduire les pensées suicidaires chez les patients souffrant d'insomnie sévère ;
- aucun décès ni tentative de suicide n’a été constaté chez les participants au cours de l'étude.
Les chercheurs confirment la sécurité de l’usage de somnifères chez les patients ayant des pensées suicidaires -ainsi qu'une très bonne observance des protocoles de l’étude. Des essais supplémentaires vont être menés mais l’hypothèse retenue à ce stade -et durant cette étude- serait la prescription par semaine de somnifères d’aide au sommeil jusqu’à ce que les idées suicidaires s’atténuent. Ici, la prescription de somnifères a été arrêtée au bout de 8 semaines. Ensuite, l’état des patients est resté stable ou a même continué à s’améliorer. 2 semaines après la fin de l’étude, les 2 groupes d’étude ont poursuivi leurs progrès avec une réduction des scores de dépression et des pensées suicidaires, mais avec un bénéfice supplémentaire pour le groupe « somnifères ».
Il faudra mieux comprendre le processus sous-jacent à l’effet de l'insomnie sur le risque suicidaire et comment son traitement contribue à réduire ce risque.
Source : American Journal of Psychiatry 20 Sep 2019 DOI : 10.1176/appi.ajp.2019.19030267 Reducing Suicidal Ideation Through Insomnia Treatment (REST-IT): A Randomized Clinical Trial (Visuel Phil Jones, photographe senior, Université Augusta)
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