Cette étude menée à l’Université Toulouse vient confirmer les effets cognitifs d’une horloge biologique chroniquement perturbée, ici par le travail par quarts, soit de nuit ou en horaires décalés. Si ces bouleversements des rythmes circadiens ont été largement associés à de nombreux problèmes de santé, cette étude française va plus loin, en constatant, qu’à l’issue de 10 années de ce régime, le cerveau a vieilli plus rapidement de 6,5 ans.
Si de nombreuses études ont documenté les multiples effets d'une horloge décalée, soit par des horaires de sommeil irréguliers, par l'exposition, la nuit, à la « petite lumière bleue », par des voyages réguliers entrainant des décalages horaires ou encore en raison d'un travail de nuit ou par quarts, peu d'études encore se sont intéressées aux effets cognitifs de ces perturbations. On citera néanmoins une étude, publiée dans la revue Science, qui identifie une nouvelle voie moléculaire commune aux troubles du rythme circadien et aux maladies neurodégénératives, à travers « l'imbrication » de 2 gènes, Ataxin-2 et PER (ou Period)…D'autres études ont également montré les effets du manque de sommeil, sur la mémoire ou son association avec le risque de développement de maladies neurodégénératives, dont Alzheimer ou Parkinson.
Cette étude a donc évalué les effets du travail posté sur la cognition, et leur réversibilité, sur une cohorte de 3.232 salariés et retraités, âgés de 32, 42, 52 et 62 ans au moment de la première évaluation cognitive de l'étude, en 1996. Ces participants ont sui de nouveaux tests de vitesse et de mémoire 5 ans puis 10 ans plus tard. En fin d'étude, 1.484 avaient changé d'organisation de temps de travail, 1.635 étaient restés sur les mêmes horaires.
L'analyse montre que,
· le travail par quarts est associé à une altération de la cognition,
· ainsi, plus de 10 années de décalages horaires chroniques, lié au travail de nuit et aux horaires décalés sont associées à une perte cognitive équivalente à 6,5 années de déclin cognitif lié à l'âge.
· La réversibilité ou retour à un fonctionnement cognitif normal après avoir quitté le travail par quarts nécessite au moins 5 ans.
En conclusion, une longue durée de pratique professionnelle avec horaires décalés a des effets non seulement sur la santé physique mais aussi cognitive, des effets réversibles mais au bout de plusieurs années de régularité circadienne.
Occupational Environmental Medicine November 2014 doi:10.1136/oemed-2013-101993
Chronic effects of shift work on cognition: findings from the VISAT longitudinal study
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